dimanche 5 novembre 2006

L’orgueil de l’ignorance


05 novembre 2006



les âneries de Charb dans Charlie Hebdo

Bon, d’abord je voudrais dire à Flo que je suis désolé de commettre un acte de brigandage sur son blog au lieu de voler mes vivres al païs et d’écrire mes posts tout seul.

Flo, pour te dédommager je suis prêt à mettre l’intégrale de Steve Roach en mp3 sur ton serveur. Par avance, merci aussi de la compassion des intervenants instrumentalisés au passage.

Je suis actuellement dans une phase de copier/coller compulsif qui cache sûrement quelque chose.

Je voulais reposter des trucs sur la pornodépendance, mais je n’avais plus de cartouches, et je suis tombé sur cette conversation :
Flo : “vous êtes nombreux à manger des steaks, et vous savez pertinemment qu’en mangeant un steak, vous commanditez l’assassinat d’un autre animal. Lors de votre prochain steak, regardez l’effet que ça vous fait. Et comparez-le à l’effet que ça vous a fait la dernière fois que vous avez tué un animal, si cela vous est arrivé bien sûr. Mettons une souris, ou un petit poisson - ce qui est bien moins qu’un boeuf. S’il y a des gens ici qui ont tué des boeufs, ou des cochons, ou des poulets, ils peuvent nous livrer leur témoignage, et nous comparerons cela avec le fait de manger un steak ou un poulet, ou de porter un blouson en cuir. Et même sans aller jusque là, nous pouvons simplement comparer la sensation résultant du fait de voir un poisson au bout d’une canne à pêche, et celle résultant du fait de manger un poisson.”
Julia : “Voir quelqu’un jeter des écrevisses dans l’eau bouillante.

Passer devant un étal de moules et d’huitres.
Dans un pays de foie gras, passer devant un grand enclos où s’ébattent des oies.
Voir un reportage sur les abattoirs et les méthodes d’abattage dites “douces”.
Voir quelqu’un écraser délibérément une abeille, de peur de se faire piquer.
Il y a beaucoup d’attachement/aversion dans la réaction induite (je ne parle que pour moi). Je crois qu’il faudrait être capable de voir tout cela d’un oeil clair, faute d’avoir le pouvoir de sauver tous ces êtres, et de dire des millions de mantras pour leur bénéfice. Mais les lamas disent que tuer est une chose, manger en est une autre. Et que la vie humaine est précieuse. Certains d’entre eux, et non des moindres, mangent de la viande, d’autres pas. Je n’en mange plus, mais qu’est-ce que cela change ? Quand je pense au goût des entrecôtes grillées, je me souviens comme c’était bon, et peut-être que je me trompe, mais il me semble que c’est au moins une petite victoire sur l’attachement/aversion que m’inspirent les choses citées plus haut.
Flo : “Il me paraît important d’interroger les notions que nous utilisons : Qu’entend-t-on par “précieuse existence humaine” ?
Les lamas mangent de la viande, mais la mangent-ils comme nous la mangeons ?
Si tu te souviens du bon goût de l’entrecôte, on peut dire que c’est une victoire sur l’attachement au sens où tu ne commets plus l’acte, mais aussi que la victoire est incomplète au sens où la racine est toujours là.


Julia: “La racine est toujours là parce je me souviens du bon goût de l’entrecôte ? Si c’est ce que tu as voulu dire, alors ma victoire (s’il y a victoire) vient de ce que dans une précédente période de végétarisme, j’éprouvais de l’aversion à l’idée de manger des huitres en passant devant les étals. Et il m’a semblé que non seulement les huitres, comme êtres vivants, mais aussi toute nourriture doit être respectée. Que mon attitude n’était pas juste. D’où mon effort pour me souvenir du bon goût de l’entrecôte. Maintenant que je suis à vie végétarienne, j’essaie de garder le respect pour ceux qui mangent de la viande ( il me semble que ça devrait aller de soi) et aussi pour toute nourriture (huitres ou pas huitres). J’ai plus de mal avec les gens qui écrasent les insectes (encore que ça m’arrive aussi accidentellement), mais on a le droit de se protéger, alors là aussi j’ai encore un effort à fournir.

Flo : “La “bonne” façon de ne pas manger des huîtres ou des entrecôtes, consisterait à “voir” l’animal et ce qui lui est arrivé… ce qui demande une très grande clarté bien sûr (que je n’ai pas). Je ne parle pas d’imaginer la chose mais de la voir, au sens où par exemple Virgil voyait des gens qui avaient fabriqué les statuettes mexicaines qu’il regardait.

Dado :” Personnellement, je pense t’avoir répondu dans mon article, non pas d’un point de vue théorique, mais par un exemple tiré de mon expérience et de ma sensibilité. On pourra estimer qu’il n’est pas concluant mais ce n’est pas le succès ou l’échec qui étaient essentiels. Maintenant, j’ai lu quelques commentaires ici qui recoupent mes autres points de vue. Je vais prendre une perspective bouddhiste puisque c’est seulement dans cette optique que se pose la question.
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RiceRcaR: “Je réfléchissais (dans le post précédent) sur le karma accumulé. Il transcende forcément l’individu et, au niveau d’une collectivité (300000), etc.”
Il y a évidemment dans tout cela un énorme part de karma collectif. Si cette horreur a été possible, c’est que durant des dizaines d’années avant le massacre, il était de bon ton de dénigrer les juifs ; la plupart des soi-disant intellectuels se faisaient bien voir en répandant des propos antisémites ; l’affaire Dreyfus n’avait servi à rien ; on continuait gaiement à voir en eux la cause de tous les malheurs de la société. Il fallait bien un jour que ça explose et que tout le monde se retrouve le nez face à son caca. Du point de vue de la sensibilité, ces karmas collectifs se manifestent par des poussées de violence et de peur qui vont agir de manière quasiment hypnotique sur la population. Certaines personnes vont s’en rendre compte et agir en fonction, certains décideurs vont essayer de calmer le jeu, d’autres vont au contraire exciter à la haine et à l’aveuglement. C’est quelque chose de totalement sensible dans l’atmosphère, que généralement on saisit avidement ou qu’on rejette avec répulsion. En tous cas, il faut être bouché pour ne pas s’en rendre compte. Ensuite, pour répondre précisément à ta question sur la sensibilité, dans plusieurs posts, il est question d’ignorance. Ah ben tiens, j’ai retrouvé la ligne :
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Flo: “Ce que nous avons en commun avec les criminels, c’est l’ignorance, l’opacité mentale, les voiles émotionnels.”
Toujours d’un point de vue bouddhiste, l’ignorance est une chose à ne pas sousestimer. Si je ne m’abuse, c’est considéré comme un voile émotionnel et la source de karma négatif. Celui qui mange un steak est totalement ignorant des conditions dans lesquelles est mort l’animal. Peut-être que s’il visitait un abattoir, ça le dégouterait à vie de manger des steaks. Mais tant qu’il est ignorant de cela, il ne faut pas s’étonner qu’il ne ressente rien de spécial en mangeant un steak. Il ne ressent pas de haine pour la vache, pas de remords, pas de peur, pas d’émotion particulière. Mais il “éprouve” de l’ignorance. Il ne sait pas si ce qu’il fait est bien ou mal, c’est le flou total. On a l’impression que ça ne porte pas préjudice, parce que justement on ne ressent rien, mais je pense qu’un lama ne serait pas d’accord. C’est de l’ignorance et c’est problèmatique. Je pense d’ailleurs que, selon le supposé lama, il ne s’agirait pas de se débarrasser de ça de manière intellectuelle, parce qu’on ne rajoute que de l’ignorance sur de l’ignorance (c’est encore une fois le fameux coup des frelons). C’est seulement à partir du moment où on ressent quelque chose qu’automatiquement, on n’aura plus envie de manger du steak, ou au contraire d’en manger, pourquoi pas. L’ignorance est entre autres la résultante des croyances d’un milieu à un moment donné. Très facilement, ça peut atteindre des sommets de connerie et donc de monstruosité. On en a la preuve tous les jours pourvu qu’on allume la télé. Dans le cas que tu évoquais, il ne s’agit pas seulement d’ignorance mais de haine. On ne peut raisonnablement pas considérer des êtres humains comme des bestiaux rien que par ignorance. Il faut leur en vouloir, ou les mépriser, ou quelque chose comme ça pour arriver à cette conclusion. En conclusion, je pense que des personnes qui ont une position élevée dans la hiérarchie sociale, qui savent qu’un tel karma collectif existe (et ils le savent puisqu’ils ont décidé d’en jouer) et usent de leur crédit pour amplifier les conséquences négatives d’une telle ignorance et d’une telle haine ont du souci à se faire pour leur karma personnel. Sinon, je suis complètement d’accord avec toi lorsque tu dis que c’est une vision totalement romantique de les prendre pour des timbrés ou pour des monstres (ce n’est pas après avoir écrit mes derniers articles que je vais te contredire sur ce point, lol!). Je pense aussi très sérieusement que cette vision romantique est terriblement dangereuse car elle prédispose à recommencer de telles horreurs, puisqu’on ne veut pas croire qu’on puisse reproduire ce qu’ont fait des personnes exactement semblables à nous (sans chercher les ministres, tout simplement le peuple allemand). Et que dans le fond, en ce qui concerne l’ignorance crasse, ils sont bien pareils que nous.”


Evidemment, on me voit venir de loin (en cheyenne, John Warsen signifie “Ombre-qu’on-commence-à-voir”) : on va relire tout ça en remplaçant “manger de la viande” par “consommer du porno” et en relisant l’article l’envers du porno, et on sera prêts à passer à table.

Commentaires

  1. Il me semble que t’as oublié des noms, parce qu’il y a des trucs on a l’impression que c’est de moi, alors que c’est de Dado (je crois)

    Rédigé par: flopinette | le 05 novembre 2006 à 14:28|
  2. En effet, si tu copiais-collais aussi les retours à la ligne et les sauts entre les paragraphes, ça serait pas plus mal. :p

    Rédigé par: Dado | le 05 novembre 2006 à 19:11|
  3. Flo, je t’assure que vous avez tenu les propos ci-dessus.
    Dado, il y a des beugues dans le nouveau logiciel d’édition de blogs du Monde qui rendent les retours chariots malaisés : on saute une ligne ou rien, et ça gâche du papier ;-) mais ça n’excuse pas tout.
    Je me suis retenu de rajouter une vidéo sur “l’envers du bifteck” à partir de rushes persos tournés dans un abattoir, j’ai trouvé ma limite à l’impudeur.
    De toutes façons, ce non-article (il faut bac+12 en warsen, flo et les autres pour comprendre de quoi il retourne vraiment) me donne surtout à penser que je ne suis pas au bout du labyrinthe, qui d’ailleurs n’en a pas, et que ça relève encore de l’auto-prévention fascinatoire®

    Rédigé par: johnwarsen | le 05 novembre 2006 à 22:07|
  4. “Flo, je t’assure que vous avez tenu les propos ci-dessus.”
    P’tain, j’apprends que je suis plusieurs, maintenant… ça expliquerait bien des choses…

    Rédigé par: flopinette | le 06 novembre 2006 à 01:33|
  5. Je ne veux pas dire que ton nom est légion ;-) mais que chacun a bien écrit les phrases qui lui sont attribuées, sauf Dado qui cite (en plus) Ricercar et moi qui sanibroie le tout. Sinon, oui, ça t’arrive d’être plusieurs, même si je te sens moins morcelée que la plupart d’entre moi… j’aime bien celle qui dit irrégulièrement “et où en sommes-nous avec tout ça ? nulle part !”

    Rédigé par: johnwarsen | le 06 novembre 2006 à 09:47|
  6. Non, ce qui commence par “toujours d’un point de vue bouddhiste” est de Dado…

    Born in lust, turn to dust, born in sin, come on in…
    … C’était quoi la photo qui n’apparaît pas ?

    Rédigé par: flopinette | le 09 novembre 2006 à 01:44|
  7. Ah oui c’est des smileys. Cette invention maudite…

    Rédigé par: flopinette | le 09 novembre 2006 à 01:45|
  8. Tu as raison. J’ai réparé par un artifice désitalicisant. Je vais me renseigner discrètement sur cette citation prometteuse sur le péché et la poussière. Tu sais ici c’est la campagne, alors si on veut pas se retrouver prématurément cloué sur une porte de grange en ayant fredonné des âneries, faut faire attention.
    Les smileys permettent de simuler la partie non-verbale de la communication, ils sont en cela bien pratiques.

    Rédigé par: johnwarsen | le 09 novembre 2006 à 23:18|
  9. Je pensais que la mention de la légion faisait référence à André Linoge, et donc j’ai continué avec ma citation préférée de ce charmant personnage…

    Rédigé par: flopinette | le 10 novembre 2006 à 15:58|
  10. Arg ! Stephen King était trop mainstream pour moi, et maintenant j’ai des trous dans ma contre-culture !

    Rédigé par: johnwarsen | le 12 novembre 2006 à 18:28|

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