jeudi 21 décembre 2006

Trou de Mémoire

Je fais ma visite annuelle aux Assedic-Spectacle pour rouvrir de nouveaux droits à partir de mes certificats d’emploi de l’année écoulée. On m’y demande un justificatif sur deux jours fin novembre, qui n’est pas dans ma pile, et je n’ai aucun souvenir des affaires traitées lors de ces deux dates, ni même de m’être rendu dans certaine société de prestations de services à cette période. J’ai juste noté dans mon agenda avoir travaillé ces jours-là. De plus, il semble que mon employeur ait oublié de me faire un contrat de travail pour ces deux journées, et que son rétro-planning ne soit guère mieux tenu que mon cerveau. Quand vous vous acquittez de tâches répétitives pour subvenir à vos besoins matériels sans prendre la peine de conscientiser aucun des actes qui se déroulent pendant des journées qui se déroulent selon des processus optimisés pour que votre cerveau y dépense un minimum d’énergie, en fait vous dormez, puisque quand vous tentez de vous repasser la bande en accéléré, vous ne trouvez dessus que des parasites et des fragments d’impressions dont le puzzle refuse de se reformer. J’ai un copain qui vient de passer 15 ans à plein temps dans l’antenne régionale d’une chaîne privée avec suffisamment de femmes, d’enfants et de chichon pour ne pas remettre en cause les tropismes qui l’animaient, et il se réveille brusquement chômeur de 45 ans avec un savoir-faire obsolète dont personne n’a besoin - la chaîne n’avait consenti à investir dans aucun des bonds technologiques qui secouent périodiquement le milieu hautement technicisé de l’audiovisuel - et il est hébété comme ces Japonais mythiques qui ignoraient que la guerre était finie et qu’on les avait laissé moisir sur un îlot du Pacifique après la reddition de l’Empire nippon. S’il me fait mal aux miches, c’est surtout parce que demain ou après demain mon sort pourrait ressembler au sien. Souhaitons-lui de se ressaisir rapidement.
Je commence par m’en remettre à des procédures obliques du genre aller mater dans l’historique du forum des dépendants pour voir si j’ai été actif sur le forum ce jour-là, ce qui indiquerait plutôt une journée maisoning. Puis je regarde l’historique de mes mails. Rien de probant. Puis je songe enfin à regarder mes débits CB, qui indiquent bien un trajet autoroutier à la somme habituelle, ainsi qu’un pantagruélique repas à 8,15 à la Cafète du Leclerc. Je commence à me sentir comme Bob Arctor dans Substance mort , qui mate au bureau les kilomètres de bandes tournées at home par les caméras qu’il y a lui-même dissimulées, pour finir par se suspecter d’être le dealer local parce qu’il s’est cramé la tronche avec une dope qui favorise la dissociation des hémisphères cérébraux pour infiltrer le milieu des stupéfiés et qu’il devient progressivement incapable de se reconnaitre sur les vidéos. Muni de ces indices, je rédige un mèl ironique à mon employeur, avec qui j’entretiens des rapports tendus (j’ai récemment demandé et obtenu à l’arraché des frais de mission qui “l’assassinent” mais me permettent de ne pas me sentir volé) mais cordiaux (respect mutuel entre professionnels de la profession, performances et réactivité décentes de ma part). Dans le privé, c’est paraît-il un fervent catholique et pilier de sa paroisse vendéenne. Dans le boulot, c’est un affable requin fan de Louis De Funès dont on sent la queue frétiller dans le bénard quand il peut réduire ses frais généraux de trois francs six sous sur le dos de ses salariés, parce que le profil du job qu’il a dans la boite le prédestine à cette tâche ingrate et qu’on le sent soumis à une pression patronale kolossale dans ce sens. Il s’agit de rester concurrentiel et d’éponger la dette toujours croissante du fait des investissements dans la technologie de pointe, et il n’est pas question de délocaliser, il faut donc marger sur la bête. La cloison en parpaings de 12 qu’il a dû dresser entre ces deux pôles de son activité cérébrale ne regarde que lui, j’ai déjà fort à faire avec les miennes.
Ma bonne foi et mes notes de frais auront raison de ma mauvaise mémoire, mais ça donne une idée des gouffres abyssaux que prétend franchir chaque jour notre conscience diurne - en fait elle les zappe. Ne parlons même pas des cas où l’émotionnel viendrait rajouter ses voiles aux obscurcissements de la pénombre cognitive ainsi mise à jour. Mon blog basculerait alors tout entier dans “l’exhibitionnisme narcissique” du désastre, avec lequel il surfe parfois dangeureusement, mais qu’il évite pour l’instant à un poil de cul près.

Commentaires

on a le cerveau qui fuit …

en ce moment je met tout par écrit. J’ai un logiciel ou je peux dicter et ça crache du texte tout bien. Et comme ça je peux relire ma vie. Je le fais pour les enseignements, pour les phénomènes de la pratique, pour les rêves (pas pour le boulot, parce que ça ça me trouerai vraiment trop le cul) Et ben dès fois je me relie, et non seulement je ne m’en souviens pas, mais en plus c’est comme si c’était quelqu’un d’autres qui l’avait écrit.

Depuis, j’ai moins le cerveau qui fuit, ne serait-ce que pour me rappeler ce que j’ai fait dans la journée.

La vie comme dans un rêve, sans souvenir, sans impression …

on est des zombies … rien qu’un gros tas de zombie tout moue …

moi je dis, tous à Dragon naturally speaking … ce truc là ça change ma vie autant que mon lama …..

tiens d’ailleurs je vais en parler sur mon blog ….

Merci John ….

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