lundi 7 décembre 2015

La course contre la honte (3/4)

"Les dérives de la pornographie dans notre société."
 dis-tu...
Ca n'existe pas, ça. 
Dès qu'il y a trois ronds à faire avec quelque chose, le capitalisme se jette dessus comme la vérole sur le bas clergé breton, c'est tout. 

Je serais à sa place, je ferais pareil.


Le porno n'est pas un besoin ou une pulsion "en soi" mais une façon pathologique de répondre à un besoin naturel : la pulsion sexuelle. 
Notre appétence pour le porno est une habitude acquise, construite, et non un besoin.

"Je redis encore que c'est surtout les premiers temps qui coûtent et ensuite, plus le temps passe et plus c'est gérable. Je suis vraiment l'exemple du gars qui a eu du mal à décrocher (tu peux relire mes témoignages pour preuve) donc si moi j'y arrive après être passé par des phases de grand désespoir je pense que beaucoup d'autres peuvent y arriver. J'ai essayé, essayé encore ...Je crois que l'important malgré la tristesse et le désespoir qui nous submerge parfois c'est de ne pas de décourager et de ne pas baisser les bras. 
Chaque jour de pris est un jour de gagné. 
Trois jours c'est trois jours, une semaine c'est une semaine de gagnée et un jour ou l'autre les circonstances extérieures font que l'abstinence dure plus longtemps, voire peut être pour toujours...mais ca on ne peut jamais en être sur ! Courage a toi ! 
Ne renonce jamais. Quoiqu'il t'arrive. A bientôt."



Il me semble que tu prends le problème à l'envers : que tu déduis de ton comportement (rechutes) que tu n'es pas très motivé. 
C'est l'erreur de tous les dépendants. 
C'est pas parce qu'on s'est cassé la gueule du vélo qu'il faut en conclure qu'on sait pas en faire, au contraire, y'a plus qu'à remonter dessus et réessayer.


La colère, ou n'importe laquelle des émotions perturbatrices, est dangereuse pour les pornoïques et peut les rapprocher de la rechute "par dépit" et vain espoir de consolation infantile. 
Et nous ne sommes plus des enfants.

Ou alors de vieux enfants tristouilles, qui rêvent d'une dernière petite pipe de la Mère Noëlle (avec ses bottes, de préférence)



Je crois que j'ai eu une putain de chance, car dans le fond je suis resté cyber-addict (le forum/mon blog/mon taf sur ordi), mais le motif du papier peint mental de ma cellule capitonnée ne s'orne plus de cravates (de notaire) au goût douteux.

Les fondamentaux sont effectivement sur le site d'Orroz.
Les cycles d'appétence (envie d'aller se faire sauter la rondelle sur tel ou tel site) et de soulagement (vraiment plus aucune envie de s'emmerder à se retrouver le froc baissé devant sa bécane, l'humiliation ultime) réduisent leur amplitude.

Moi aussi j'ai un dévorant besoin de reconnaissance, mais pour aujourd'hui la mienne me suffit - et attention à l'autosatisfaction.

La reconnaissance il faut l'entendre dans tous les sens : je me re-connais en tant que dépendant en sevrage, et j'éprouve de la gratitude envers vous tous qui avez rendu cela possible.

Faut vraiment faire le grand ménage dans ses marque pages...normalement, ça suit dans la tête, et ça s'efface, à condition de remplacer par quelque chose de plus nourrissant pour l'imagination que les démons qui nous font tripper au-delà du réel.
"Et comme chacun sait, les démons trouvent à s'accrocher là où on les rejette. C'est cela qui les nourrit et les renforce. Inversement, si on les embrasse, ils n'ont pas 36 solutions, se dissoudre ou s'enfuir en criant kai kai. - Il y a aussi la possibilité où l'énergie du démon est très puissante, et là il est absolument impossible de les embrasser, on a soi-même le sang glacé et on est vidé de tout. Je pense que l'habitude aidant, on peut en subjuguer des plus en plus gros."
c'est un effet secondaire des hallucinations pornoïques : on prend les femmes pour des bouquins pornos et réciproquement. 
On est totalement à côté du réel. 
Et le signe qu’on est envouté, c’est qu’on ne pense pas à demander de l’aide.


"On peut effectivement choisir sa dépendance. La seule chose qu'on ne peut choisir, c'est de ne plus avoir de dépendance, pour cela il faut faire une ascèse. Mais je témoigne pour ma part avoir eu de multiples dépendances, et que rien n'est plus facile que de remplacer l'une par l'autre. On prend en général ce qui est le plus pratique : on ne se créera pas une dépendance au vélo si on habite à Lille. Mais à Cannes ou dans les Alpes, ça le fait bien. Si on n'aime pas le sport, on a le choix entre les séries télé, la lecture, les jeux videos, la bouffe, les animaux familiers... (je parle ici de dépendances de célibataires, je ne connais pas les autres). D'ailleurs j'ai justement un ami qui a décidé de couper certaines dépendances, et il a constaté que son esprit en retrouvait d'autres aussi vite. C'est pour ça que les cyberdeps en cours de sevrage me font marrer. Ils croient qu'ils vont être libres, alors qu'ils ne font que remplacer leurs chaînes pour d'autres plus pratiques et moins visibles.
"
Et le propriétaire du blog sur lequel a eu lieu cette déclaration ajoute :

"John, bien sûr que c'est un petit diablotin très malin qui m'a soufflé ça à l'oreille. 
Tu ne crois pas que l'ado qui fume sa première cigarette n'est pas au courant que ça entraîne une dépendance ? 
que celui qui se plante une aiguille ne sait pas où ça va le mener ? 
Et pour aller plus loin, tu ne penses pas que celui qui se branche sur un site de Q ne se doute pas un peu qu'il est justement trop attiré par ce genre de choses ? 
Que le type qui paie un abonnement à World of Warcraft s'imagine que c'est pour une semaine ? 
Ou que si tu sors avec une fille, tu as 99% de chances de te retrouver sept ans plus tard avec une maison et une tripotée de bambins ? J'ai vraiment du mal à croire l'hypothèse de Kiki avec sa surprise totale.
En plus, si tu regardes les sociétés tribales, ou même certaines civilisations proches, la plupart sont tous camés jusqu'à la moëlle. Et chez nous, c'était l'alcool au début du siècle et la cigarette et le café maintenant.
A partir du moment où ça titille les voies du plaisir et de la récompense dans le cerveau, et à partir du moment où il y a habitude ou accoutumance, il y a dépendance. Alors soit c'est chimique et c'est la merde grave. Soit c'est psychologique et on peut remplacer plus aisément - je suppose du moins - une dépendance inutile par une autre utile. Il y a les dépendances qui sont valorisées socialement - et qui sont vraiment des dépendances car sitôt que ça s'arrête, c'est la cata - genre le boulot, le conjoint, les bambins. Aussi je pense que ceux qui choisissent une dépendance dévalorisée le font un peu exprès.
En bref, dans l'ensemble, je pense que ce qu'on appelle une dépendance, c'est plutôt un manque de variété dans les dépendances. 
Et qu'il y a problème à partir du moment où l'une d'entre elles bouffe toutes les autres. Je pense aussi que certaines personnes ne veulent pas être dépendantes à certaines choses, parce qu'ils sentent qu'ils prendraient une trop grosse gamelle en cas de pépin, donc ils vont se choisir une dépendance ailleurs.
Maintenant, il faudrait demander l'avis d'un psychologue ou d'un neurobiologiste. 
Je peux très bien me planter."



La connaissance des causes de notre maladie peut nous la rendre plus "acceptable" (dans le sens où la haine de soi, le dégoût et la culpabilité nous feraient plutôt reculer qu'avancer vers la guérison) mais ne nous est pas d'une grande aide pour passer de cette culpabilité - qui nous a mené ici, louée soit-elle ! - à la responsabilité; je précise ça, parce que comme on dit aux AA, je ne suis pas responsable de ma maladie, mais de mon rétablissement.


On a tous contourné l'écueil du "difficile de rester concentré sur la négation d'une chose sans retomber sur la chose" : on s'est focalisé sur autre chose.


"La pornographie mène au viol et au meurtre en série" est une proposition logique où le lien causal est moins évident que dans "fumer tue". 
Ce qui est certain, c'est que la pornographie mène à la confusion mentale, à la dégradation de (l'image de) la femme, et à une frustration et un dépit auprès de laquelle celle de l'écureuil Scrat dans le film L'âge de glace (celui qui n'arrive jamais à bouffer sa noisette) n'est qu'une contrariété passagère. 
D'un autre côté, si on n'utilisait pas des arguments comme cela, personne ne réfléchirait à ses liens intimes avec la merchandisation des corps. 
La pornographie semble augmenter la dose de malheur globale de ses usagers, et nous sommes de base déjà suffisamment mâles en poing pour refuser ça.

T'as une certaine propension à faire dériver la réflexion vers le débat d'idées.
A chaque fois que j'ai essayé de "la ramener" avec un débat d'idées, ça laissait les mains libres à ma dépendance pour m'en foutre un bon coup par derrière, voire même par-devant : j'étais occupé à débattre, c'est à dire à me débattre.
Et plus on se débat, plus on se fait abattre. C'est l'histoire du piège à singes, qui consiste à couper une noix de coco en deux, à la vider de son liquide et à y déposer quelques grains de riz avant de la refermer. Alléché par ces fruits suspendus aux arbres et aux clôtures, le singe plonge la main dans la noix de coco pour s'emparer du riz. Piégé par la noix de coco qui se referme, il se met à gémir et à crier, alors qu'il serait si simple de laisser le riz, de retirer sa main et d'ainsi échapper aux chasseurs.
Les opinions c'est les grains de riz, et j'éviterai d'ironiser sur les noix de cocos.


Jean Klein disait : « vous devriez observer les pensées comme vous observez une mouche » ce qui ne veut pas dire qu'il faut chercher à les enculer, et pourtant je m'y entends. 
Les opinions c'est même pas des pensées, c'est des résidus de pensées des autres coagulées, et elles ont un coût exorbitant. 
Je tolère mes opinions quand elles ne contrecarrent pas mon rétablissement, c'est à dire quand elles ne réclament pas à être reconnues, encore moins à triompher. 

"Les émotions sont causées par les idées et non par les évènements" plus précisément par nos réactions aux évènements =>perçus de façon erronnée = > si on veut percevoir l'évènement sans l'interprétation qu'on lui colle dessus (ce que les bouddhistes appellent "la saisie"), la seule façon c'est de déconstruire notre réaction en ses composants intimes avant que la main mette l'allumette sous la mèche qui est fichée dans le baril de poudre.
C'est pour ça qu'on le fait avec quelqu'un : tout seul, le rituel est ancré, la machine bien huilée et on a bien souvent perdu l'espoir de démonter le mécanisme.
Avant Orroz, j'ai passé trois ans à cumuler des 30/45 jours de sevrage avec un psychiatre. 
Il y a un an, j'ai pigé que j'avais "très peu de chances de m'en sortir", malgré le forum, qui joue son rôle de néocodion ou de programme méthadone, mais ne remplacera jamais un gros "lâchage de paquet" auprès d'un être humain en chair et en os et j'ai fait une thérapie de 6 mois avec une thérapeute (elle était très jolie d'ailleurs) qui m'a permis de me stabiliser.

On ne peut pas s'envoler en tirant sur ses lacets.

D'autant plus que sur la planète Branlor, la gravité est très forte.

Etre l'esclave de nos appétits, avec ou sans l'illusion de les maitriser, c'est la promesse sans cesse tenue (et payée cash) de la damnation à la petite semaine.










Refrain de fin d'épisode :
Marchand de rêves 
Avec ta barque creuse 
Entourée de femmes malheureuses, 
Marchand de rêves
Au bord du lac de sang,
Y a plus personne debout
Quand le soleil descend
Et tous les enfants jaunes
Aux yeux de faune
Comme des ballons qui crèvent
Marchand de rêves.


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