jeudi 2 février 2017

Nova Verba, Mundus Novus (7)

Une pile de courrier administratif se sédimente insidieusement sur un coin de mon bureau.
Ca fait plusieurs mois que j’envisage de progresser dans l’intention de la réduire, et c’est pas bien méchant : elle est surtout constituée de fiches de paye, de relevés EDF et Orange, d’impôts divers qui sont pour la plupart prélevés à la source. Tout ce qui était à payer l’a été dans l’instant, c’est juste un peu de classement à faire dans les dossiers cartonnés ad hoc.
Pas moyen de m’y mettre.
C’est d’autant plus rageant qu’au bureau, le flot quotidien de taches administratives qui vient me lécher les pieds chaque matin est écopé dans l’heure en partant du principe que plus vite ça sera fait, plus vite ça sera fait.
Et au bureau, les trucs à faire sont d’une autre trempe : dialogue de sourds avec les robots des organismes de recouvrement des prélèvement sociaux, production de la La Déclaration Annuelle des Données Sociales DADS-U 2016 selon la nouvelle norme N4DS V01X11… c’est pas des challenges de pédé.
C’était programmé pour hier après-midi, le mercredi après-midi j’ai poney et je peux quitter le bureau pour vaquer à des taches subalternes ou préparer des galettes de sarrazin pour le diner du soir, mais une grippe persistante, assortie depuis 2 jours d’une douleur lancinante aux intestins (l’impression de chier du verre pilé est une expérience étonnante, surtout que je n’ai pourtant rongé aucun tesson, ou alors pendant mon sommeil) m’a contraint à une sieste de 4 heures qui a fichu mon programme en l’air.
Trop ballot.
Je me demande si je ne suis pas atteint de phobie administrative, l'excuse vaseuse de ce branleur taré de Thomas Thévenoud en 2014.
Comme il vaut mieux allumer une lampe-torche que brailler dans les ténèbres, en m’attaquant dès potron-minet à la couche superficielle, je tombe sur un courrier de relance d’Action contre la faim : un calendrier 2017 en « Prêt à Culpabiliser » : il semble que les fonds que je leur fais parvenir mensuellement soient insuffisants à résoudre le problème de la faim dans le monde.
Apparemment ça chie en Centrafrique, et un petit coup de pouce supplémentaire serait le bienvenu.
Je ne lis même pas l’argumentaire, c’est le même que MSF ou Handicap International ou toutes ces ONG auxquelles j’ai imprudemment décidé un jour de confier une partie substantielle de mes allocations chômage pour soulager la misère du monde.
Et qu'est-ce qu'ils foutent avec mon pognon ?
Au lieu d'apprendre aux agriculteurs locaux à cultiver du manioc et des topinambours et atteindre ainsi l'autosuffisance alimentaire, ils claquent tout en calendriers quadrichromiques me rappelant à l'envi que "sans moi, l'action s'arrête" pour lever des fonds supplémentaires, vacciner et scolariser des hordes de négrillons qui viendront grossir les rangs de l'assistanat métropolitain (s'ils survivent toutefois à la périlleuse traversée de la Méditerranée à bord de leurs Titanics gonflables).







Bravo les mecs.
Le génie de la re-motivation humanitaire qui a pondu le slogan-choc n'a pas pu s'empêcher de remarquer que "sans vous, l'action s'arrête" fonctionne avec n'importe quoi : une photo de Benoit Hamon, celle d'un hôpital en construction dans les Territoires occupés, d'une nouvelle coopérative produisant des jambonneaux bio en Bretagne selon un cahier des charges responsable et durable...
Mon indignation est sans but véritable, c'est juste une excuse supplémentaire pour ne pas réduire ma pile d'administratif, et elle retombe.
Sans moi, elle s'arrête.
Ca y est, je sais comment je vais me remotiver. Ma pile d'administratif, ça vaut le coup de m'y mettre : il parait qu'en cherchant bien, les enquêteurs ont trouvé un contrat de travail de Pénélope Fillon.
Si ça se trouve, j'en ai un dans ma pile et je peux participer au sauvetage du candidat de la droite républicaine. De ma part, ça serait vraiment de l'humanitaire.
A coeur vaillant rien d’imbécile.

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