samedi 14 avril 2018

Mon nombril, ma bataille (1)

Je voulais écrire un article sur les vertus détoxifiantes de la sève de bouleau, prélevée à même l'arbre avec une perceuse, des canules en plastique et des bouteilles de vin ordinaire, à condition que votre voisin octogénaire vous en ait vanté les mérites dès le mois de février, parce que ça ne coule que jusqu'en mars.
J'avais alors l'impression de me rapprocher de la Nature, même en devenant une sorte de vampire d'arbre.
J'ai commencé une cure de trois semaines, que j'ai dû interrompre rapidement parce que j'ai refait un lumbago (que j'attribue psycho-somatiquement à la reprise du tabac à fumer après juste 15 jours d'arrêt), et les anti-inflammatoires m'ont mis les tripes en l'air, et je ne voulais pas cumuler ça avec les effets purgatifs de la sève de bouleau, et puis après quand j'ai renoncé aux anti-inflammatoires j'ai voulu reprendre ma cure de bouleau mais ça faisait trois semaines que la sève était au frigo et elle avait un peu fermenté, alors l'effet immédiat ça a été comme si j'avais avalé une marmite de verre pilé, et j'ai tout jeté mon jus d'arbre dans l'évier, bonjour le gâchis c'était navrant mais merci bien.
Depuis quelques semaines, j'erre à nouveau dans les allées du salon de l'auto-apitoiement, suite à une baisse vertigineuse d'activité professionnelle qu'on pourrait assimiler à une quasi-disparition, heureusement que j'ai le lithium parce que sinon ça serait sans doute pire, le médicament lisse les effets de la panique égotiste, à moins qu'il induise de lui-même ces phases alternées d'excitation et d'effondrement entre lesquelles mon cerveau peine à trouver aujourd'hui un juste milieu, accablé par un sentiment d'inutilité induit par le chômage technique et bientôt la diminution subséquente de mes ressources. Je rêve de refaire du documentaire, mais c'est un songe absurde, ça fait vingt ans que j'ai quitté Paris et il n'y a plus aucune sonnette que je puisse retourner tirer. L'éventualité de me remettre sur le marché de l'emploi régional à mon âge, c'est juste une mauvaise blague.
Depuis que j'ai compris que j'étais un vieil aigri, et que c'était moi qui m'étais moi-même fait le coup, je suis un peu soulagé que tout soit une nouvelle fois de ma faute, smiley pendu avec l'oeil qui sort, mais ça ne me rend pas mes couleurs.

J'aurais pu tuer ma poule en lui récitant ce Télérama,
mais ça aurait duré encore plus longtemps.
Une fois encore, la culpabilité, le regret et la négativité sont sans doute des paravents cache-misère à l'immobilisme.
Hier soir j'ai achevé "la jolie petite poule rousse qui ne voulait pas mourir" à coups de gourdin chirurgical, elle avait attrapé la coccidiose dix jours plus tôt, et je ne supportais plus de la voir se tordre au sol nuit et jour, après avoir essayé de la sauver avec des médicaments onéreux qui ne lui ont fait aucun effet. Dans nos contrées, on n'est pas préparé culturellement à tuer un animal à coups de gourdin chirurgical (j'avais peur de la rater à la hache), surtout si il nous a accompagnés pendant des années au jardin, surveillant nos activités d'entretien des bordures d'un oeil vigilant, des fois qu'on mettrait à jour un ver de terre ou une succulente larve de hanneton. Et puis j'ai aussi beaucoup de compassion pour mes poules alors que j'ai du mal à interagir avec les membres de ma famille, et ça c'est pas bon signe non plus. "Ca sent la fin, la cabane est sur le chien" est une ancienne antienne, mais la reconnaitre comme si je l'avais faite n'enlève pas grand-chose à son alacrité.

C'était une erreur de créer ce blog pour mesurer mes progrès à me détacher du virtuel.
Ou alors l'objectif caché c'était de m'enseigner combien je me trompais en me payant de mots, et alors là, c'est réussi, et la leçon ne manque ni de sel, ni de poivre.
Merci à mon fils pour le titre.

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