lundi 18 décembre 2017

Décalages et Recadrages

C’est curieux, quand même, chez les marins, ce besoin de faire des phares, et mon obsession langagière pour les monologues expérimentaux qui, comme les histoires d’amour, finissent mal, en général. 
Je ne sais pas trop d’où ça me vient, mais je peux en partie l’inférer d’un démon familial que j’ai observé pour la première fois dans ses oeuvres chez mon grand-père paternel. 
Je devais avoir 12 ans, mon papi était confortablement installé dans son bureau de Créteil encombré d’objets d’art africain spoliés lors de ses lointains séjours au Dahomey et au Cameroun, et il était très affairé à rédiger sa correspondance professionnelle, je lui ai demandé ce qu’il était en train de faire, avec la candeur d'un enfant de mon âge.
« Je pisse du vitriol » m’a-t-il sobrement répondu, sans cesser d'écrire de l'autre main.

Mon grand-père aimait à travestir son identité,  et ce bien avant l'invention d'internet, qu'on dirait parfois créé expressément dans ce but, afin de faire rire ses anciens copains de régiment à gorge déployée.
Comme ici, par exemple, mon papi déguisé en J.G. Ballard, l’écrivain anglais spécialisé dans le dépistage des lésions dangereuses de l'inconscient collectif structuré comme un langage, mon papi ballardien immortalisé par le photographe dans sa célèbre posture de Vigie au bord de l’Immonde, qui avait choisi la science-fiction pour exprimer ses inquiétudes et lâcher la bride à son imagination apocalyptique.
Evidemment, n’étant pas nés de la dernière pluie acide, ses anciens copains de régiment ne s’y sont pas laissés prendre, parce qu’ils ont tout de suite reconnu le mur de briques de son pavillon en meulière(1), et puis aussi, l’identité usurpée révélait aisément ce qu’elle prétendait masquer : 
- Ballard ? attends voir… Ballard… évidemment c’était une allusion à peine voilée à la ligne 8 du métropolitain parisien communément appelée « Balard-Creteil » dans son tracé de 1974, ligne sur laquelle d'autres démons familiaux (avec réduction de 30% sur le prix du billet du fait de leur âge canonique ta mère) étaient tapis en embuscade, toujours prêts à accomplir leur hideuse besogne, puisque 25 ans plus tard, sortant du Salon "de la Bière, des Gonzesses et du Rock'n' roll" alors réservé aux seuls professionnels sur lequel j'effectuais une vacation audiovisuelle du côté de la station La Motte-Picquet Grenelle, vacation au cours de laquelle j'avais un peu forcé sur le jus de la treille, je m'engouffrai dans le dernier  métro en direction de Créteil où je résidais alors, avec la ferme intention titubante bourré comme un coing de la Pologne qui aurait quelque chose de Tennessee sur l'étiquette de la bouteille de Jack Daniels, ferme intention un peu fermentée et donc dérivante, de regagner mes pénates, et j'eus pourtant la mauvaise surprise de reprendre conscience à la station Ballard vers 2 heures du matin, terminus à l'autre bout de la ligne,  qui en avait deux dans son tracé de 1974, sous la pression insistante d'agents de l'hygiène et de la sécurité métropolitaines en fin de service commandé, désireux de savoir ce que je foutais là, ivre-mort avec un pantalon d'employé RATP soigneusement plié dans un sac plastique à mes pieds. 



Le côté obscur de la ligne 8 : 
Terminus Ballard, et sa Foire aux Atrocités

Par contre mon blouson de cuir et mon portefeuille manquaient à l'appel.
Si c'était pas un coup du démon familial, par delà le mur du Créteil-Soleil avec réduction de 30% sur les cadeaux de Noël, je veux bien être immédiatement empapi-outé puis dévoré par Cthulhu.
Mais ça nous emmènerait trop loin de notre absence de but initial, et bien malin qui démêlera le faux du faux dans cette histoire où tout est vrai.
Pour l'instant, j'ai 12 ans, et mon grand-père adoré pisse du vitriol. 
Et il a l'air de s'en réjouir.
On ne comprend pas tout quand on n'est pas encore formé. 
Quand on n'est encore qu'un stagiaire d'observation de la Vie.

Des fois on capte des trucs qui ne sont franchement pas de notre âge, et ça nous secoue un peu, d'autres fois il faudrait qu'on conscientise au lieu d'absorber sans trier, mais on n'a ni les filtres ni les codes.
Par exemple, quand j'étais jeune, je ne comprenais pas pourquoi j'attirais les vieux; je me suis fait harceler grave pénible par un éducateur spécialisé d’au moins 35 ans, puis par un prof de fac insistant, qui publiait Henri Michaux dans sa petite maison d’édition, Henri dont j’étais grand fan, qui m'a proposé l'Abott sans Costello un été où il m'avait engagé comme jardinier pour tronçonner son parc arboré, faut dire que j'étais pas mal quand j'étais jeune, j'avais pas encore une tête à faire de la radio, mais ça nous entrainerait trop loin de notre absence de but initial.
Maintenant, je comprends leur insistance et leur os tentation(2).
Mais c'est un peu tard.

en dehors des heures de service
où il pissait du vitriol,
mon grand-père savait aussi
s'amuser avec ma grand-mère.
Et mon pauvre papi, ce ballardien-qui-s'ignorait, finira sa vie en pissant du vitriol dans une poche plastique qu'il gardait jour et nuit dans celle de sa robe de chambre, souvenir douloureux d'un cancer de la prostate en phase terminale.
Et par rapport à l'évènement initial qui suscita le besoin compulsif de rédiger un nouvel article, ce n'est que quarante ans plus tard, alors que moi-même suis attaqué nuitamment par des attaques répétées de démons familiaux (avec réduction de 30%  carte vermeil en bandoulière) dans mon petit bureau d'Arkham avec vue sur ma mère morte, que je comprends le sens de la malédiction ancestrale.
Y'a des gens, y sont dans la bienveillance de père en fils, pendant des générations, sans que personne y trouve rien à redire.
D'autres avancent sur des chemins plus rocailleux, comme un vieux Blueberry trop bien recopié(3)

Ou Wilbur Mercer, le génial martyr jailli de sa boite à empathie
Quand ce fut son tour, à l'heure qu'il était au même âge, mon père a pissé du vitriol aux quatre coins de la famille, d'un geste machinal, en proclamant tout en remontant sa braguette que c'était sans intention de nuire, et que les autres frères Dalton l'avaient bien cherché.
Mais pour comprendre, faut être de la famille. 
Sans compter que pisser du vitriol, pour vous je sais pas, mais moi ça picote un peu. Ca brûle les conduits, même en rigolant très fort pour masquer la douleur, tout à fait légitime.
Et à quoi bon réveiller ces souvenirs nauséabonds et à l'oeil un peu vitreux, si ce n'est pas pour dénouer quelques noeuds sur la corde du karma familial sur laquelle ils ont été noués il y a bien longtemps ?
Et si c'est pas ça, alors c'est juste pour briller dans la haute société des 3 pelés, 2 tordus qui fréquentent ce blog, dans une mise en abîmé un peu macabre au niveau de la perche à selfishs ? 
Au lieu de t'atteler à finir le feuilleton sur la chaudière, Dieu et la clé USB, et les hypertéliques qui s'accumulent dans le tiroir à fausses manoeuvres ?

Après avoir passé ma bibliothèque au marteau-piqueur sans succès, j'ai remis la main virtuelle sur un texte d'Henri Michaux sur Internet, où en règle générale je trouve tout sauf ce que je cherche, et qui évoque bien tous ces phénomènes paranormaux auxquels les Mulder, Scully et Ghibellini sont confrontés depuis des générations d'archéologues de l'Improbable.
Je le mettrai en ligne 8 dès demain, parce que là, je suis un peu fatigué, et j'ai encore du boulot avant d'aller faire reposer mon cerveau dans le verre à dents. 


Le côté lumineux de la ligne 8 :

Terminus Créteil-Soleil,
et mon papi qui pisse du vitriol

dans son pyjama d'agent de la RATP



(1) et pourtant pendant le shoot photo il s’était répété le mantra « je dois penser à un mur de briques » avec une telle force mentale que celui-ci s’était imprimé sur la pellicule de son esprit, comme l’instituteur martyr de la cause alienophobe incarné par George Sanders dans Le Village des damnés, dans la version de 1960, parce que la version de Jean Charpentier, je ne l'ai pas vue j'ai eu trop peur d'être déçu par le refaisage.
(2) J'ai appris que l'amour est un os pas plus tard qu'hier.
Si vous pensez que je vais me géner pour colporter joyeusement cette nouvelle, au risque de la fracture ouverte, c'est mal me connaitre.
(3) j’ai entendu un jour Bigard, l’humoriste poids lourd qui en a dans le slip, dire qu’il avait fini par accepter que le soleil brille pareillement sur le Saint et sur l’enculé, mais que ça lui avait pris du temps. 
En plus, j'ai bien peur que l'Enculé bronze un peu plus vite, sinon ça n'en serait pas un.

mardi 5 décembre 2017

Stupeur et ricanements


This is fine.
Je ne dors pas beaucoup depuis quelques semaines; je suis dans un état d'excitation un peu stupide. Peu de chances que ça s'apparente à la Jubilation des mystiques chrétiens qui ont utilisé ce terme dans le bon sens. Ca ressemble plutôt à une crise de foi sous Seroplex®, comme en 2012"surexcitation sans composante émotionnelle, sentiment de triomphe irraisonné substitué à l'accablement précédent, envies d'envahir la Pologne... exaltation et jubilation (étymologiquement Joie-sans-cause) sans motif valable, ou devant des choses qui ne le méritent guère donc imputable au produit. Overdose de sérotonine."

Mais je ne prends plus de Seroplex. 
J'y suis allergique. 
Juste je travaille trop, je fume trop, je parle trop, je bois trop de café. 
Et le café, ça me fait pisser, partout, tout le temps.

Au Super U, justement, je sors des toilettes, et j'avise une femme d'une soixantaine d'années qui sort de la cabine d'à côté, dont elle extrait son caddie, chargé.
Les toilettes du Super U sont spacieuses à ce point, oui. 
Je l'apostrophe spontanément en désignant le caddie : "alors, il avait envie de faire pipi ?" Elle se tourne vers moi, surprise que je l'aborde, sur un mode qu'elle ne peut comprendre. 
Elle ne peut pas capter mon ironie débile, mais se met en mode défensif, parce qu'elle sent bien que ça relève quand même de l'agression :
"Pourquoi, ça gène quelqu'un ?
- Non, mais enfin, heu... c'est pas très pratique...
- Oui, ben, c'est pour ne pas me le faire voler.
- Mais, heu, dans ces cas-là, c'est pas mieux d'avoir un petit mari qui vous garde le chariot ?
- J'en avais un, monsieur, mais il est mort, après une longue maladie, à 60 ans, alors je suis bien obligé de me débrouiller toute seule. Vous avez quel âge ?
- 54 ans...
- Hé ben je vous souhaite que ça dure, mais vous verrez, ça arrive à tout le monde. Tout le monde meurt à la fin. Alors profitez bien de la vie, parce qu'elle vous sera retirée plus vite que vous ne le croyez"
Et elle s'en va en poussant son chariot d'un air outré, en jetant de rapides coups d'oeil sur le côté, comme si elle essayait de parer des coups qu'elle ne peut pas voir arriver.
La date est passée,
mais j'y ai eu droit quand même !!
Comme la mort de son mari, je ne rentre dans son champ perceptif qu'après-coup. Sa conception houellebecquienne de la vie, elle y est venue contrainte et forcée, par une conjonction d'évènements malheureux. 
Comme de se faire allumer par un connard en faisant ses courses un vendredi soir.
L'altercation m'a quand même bien calmé, question ricanements.
Bien joué, madame Houellebecq.
Je note intérieurement de ne plus ricaner qu'avec des ricaneurs assermentés.
Le secret d'un attentat verbal réussi réside dans les capacités de fuite de l'assaillant dans les secondes qui suivent l'attaque. 
Mon erreur tactique a été de l'écouter. 
Dans ce genre de situation, si on se met à l'écoute de l'Autre, on est archi-foutu. 
Il y a quelques années, j'avais observé dans la rue un mec qui, croisant une dame affligée d'un caniche un peu ridicule, l'avait apostrophée sur un mode grotesque, de façon qu'elle ne puisse rien répondre tant l'insulte était énorme, il voulait juste se payer sa tête
Sa Jubilation était loin d'être une Joie sans cause.
Je le jalousais secrètement, mais trouvais aussi que le mécanisme de renforcement de l'égo qui consiste à dévaloriser l'autre et à bien le lui faire sentir n'est pas fondé sur des bases très saines. En matière de socialité, le mépris mutuel n'est pas ce qui se fait de mieux.
Comme me le disait un.e ami.e, "je me demande si tu te rends compte d'à quel point tu es "bien-pensant". Enfin c'est pas un problème, mais je me demande si tu le sais. 
A croire que la couche Blasphemator est juste là pour cacher la couche de bien-pensance qui a du mal à s'assumer (ce qui est logique puisqu'elle désavoue la dépendance etc)."

Les cons, c'est ce qui nous donne l'impression d'exister, à la base. 
Il y en a certainement de plus intelligentes.

[Edit du 17/12]


De toute façon,
on est toujours le co-con de quelqu'un.
L'important c'est de savoir
de qui, et pourquoi.
Moi, c'est la dame du Super U.
A vous de jouer !
Mais pour cela, il faut commencer par lâcher prise sur ses croyances erronées, sur les cons et le reste.
Sur le fait que le monde est perçu comme hostile et anxiogène, ou menaçant, comme semblait le penser cette dame.
Le monde n’est ni hostile, ni menaçant.
Il est neutre.
Enfin, je veux dire, hormis le fait que l’univers phénoménal se présente à nous sous la forme d’un  « cycle de renaissance et de souffrance dans lequel sont pris les êtres non éveillés, (saṃsāraet qui se réfère en réalité au cercle vicieux de trois éléments : le désir, l’action qui naît de ce désir et les effets qui résultent de l’action. 

Je suis retourné faire pipi au Super U hier, et accessoirement faire mes courses pour le repas du soir, et puis aussi acheter mes médicaments parce que le docteur m’avait fait « une ordonnance, et une sévère » comme disaient les tontons flingueurs, du fait de mon insomnie maintenant bien installée comme un rat dans le labyrinthe de fromage.
Je n'ai pas recroiser la dame du Super U qui m’avait fait la Réduc U gratoche.
Elle a manifesté une aversion spontanée pour moi, mais parce que sur le plan vibratoire, elle a senti qu’on n’était pas en phase.
Pourtant, j’ai le sentiment qu’elle faisait partie de mon karass
Si tel est le cas, elle y a joué le rôle d’un wrang-wrang. 

Selon Bokonon, un wrang-wrang est une personne qui fait dévier le cours des spéculations d’une autre personne en réduisant ce cours, par l’exemple de sa propre vie, à une absurdité. 
Nous autres, bokononistes, croyons que l’humanité est organisée en équipes qui accomplissent la volonté de Dieu sans jamais découvrir ce qu’elles font. Bokonon appelle ces équipes des karass.
Kurt Vonnegut†, le berceau du chat.

vendredi 1 décembre 2017

Dieu est un chargeur allume-cigares USB (2)

Résumé du chapitre 1
Ma chaudière au fuel a pris feu, mais n'est-ce pas le propre des chaudières au fuel ? puis elle s'est éteinte dans la nuit sans intervention divine apparente; mais n'est-ce pas le propre des interventions divines ? tandis que je médite sur ce koan devant le cadavre encore fumant de ma Viessmann 13156 T, un cri à l'étage ramène mon attention (...) vers l'escalier.

A l’étage, Jeannette Warsen est beaucoup moins dans la pleine conscience que moi. Ou plutôt, comme en s'éveillant du noir sommeil de l'insomnie elle vient de se moucher et que le contenu du mouchoir est tout noir, elle est dans la pleine conscience qu’il y a un problème qu’elle ne parvient pas encore à identifier, mais quand même. Je lui explique que c'est normal, comme dans la chanson éponyme d'Areski et Fontaine.
Paniquée devant l'absurdité rationalisante de mes explications face à la gravity of ze situation, elle fait venir SOS Médecins, parce qu'on est dimanche, qui nous rassure sur notre degré probable d’intoxication. Elle est beaucoup plus sensible que moi à la qualité de l’air. Faut dire qu’avec ce que je me mets dans les poumons… la moindre saloperie présente dans l'atmosphère lui déclenche une allergie. Alors vous pensez, 1000 litres de fuel cramés en une nuit...bref. Maintenant que nous sommes trompeusement tranquillisés sur notre santé à court terme, nous prenons la pleine mesure des dégâts. Une fine pellicule de fuel s’est déposée sur la totalité des surfaces planes, assombrissant la délicate teinte « tarte meringuée » déposée sur les murs l’année précédente par le célèbre peintre du dimanche Matt Brilland.

Matt Brilland posant devant l’oeuvre la plus emblématique 
qu’il nous ait laissée, à part sa facture : 
"Le Monolithre de Rouge", un hommage tardif et turgescent 
au "2001, l’Odyssée d’mes Spasmes" de Stanley Kubi.
Dénonçant ses emprunts pas toujours avouables
à l'oeuvre monumentale de Jeff Koons, ses détracteurs n'hésitent pas
à le surnommer Matt Brigand dès qu'il a le dos tourné.
La légende de cette photo concourra
pour le prix de l'Hypertélie dès que le jury aura été constitué.

Au rez de chaussée, les traces de suie ont épousé les contours des émanations de chaleur dégagées par le radiateur de l’entrée(1), dessinant comme des zigouigouis charbonneux et rupestres sur la peinture « tarte au citron pas cuite ». Je me dis que je vais pouvoir tester si c’est lavable, comme le fabricant l’a garanti à son client Matt Brilland, en vantant les mérites prophylactiques de son produit, parce que c’est une peinture qui absorbe soi-disant les particules viciées de l’air en recrachant de l’oxygène après avoir respiré dans le mur, c’est tout juste si elle ne fait pas la photosynthèse, bien que depuis plusieurs mois nous nous déplaçions avec un grand luxe de précautions dans la maison, parce que si on frôle un mur du coude, ça fait une trace, difficile à ravoir sur le jaune pâle. Quelques coups d’éponge humide me permettent d’étendre avantageusement le sinistre à peine esquissé. J’insiste à la lessive Saint-Marc, j’obtiens une eau-forte de Jérome Bosch.
Je lâche l’affaire, car il est temps d’aller m’engueuler avec la patronne, qui évoque la nécessité de refaire tous les travaux, que la baraque est foutue, qu’on a failli mourir, et que vraiment sa vie c’est de la merde en ce moment. Je reste discret sur mes travaux de rénovation qui ont commencé à l’étage du dessous, j'attendrai qu'elle soit moins dépressive pour lui faire la surprise.
Le moment me semble tout aussi inopportun pour lui citer la réplique de Morty à sa soeur dans la saison 1 rapportée dans le Télérama de la semaine dernière : « L’existence n’a aucun but. Tout le monde va mourir. Viens regarder la télé. »
Vais-je passer le reste de l'après-midi à regretter de n’avoir pas installé les détecteurs de fumée achetés il y a deux ans et qui trônent flambant neufs, c’est le cas de le dire, entre un paquet de Nicopatch et une pile de Hellblazer en v.o. sur une étagère de mon bureau ?
C'est tentant, mais j’ai mieux à faire : l’inventaire des radiateurs à bain d’huile et autres soufflants trainant dans la baraque, qui sont réquisitionnés et remis en état de toute urgence, sauf celui qui avait tellement mal vieilli que quand on l'allumait ça faisait sauter le compteur, puisqu’en plus d'être confrontés au vide de l'existence, on n’a plus de chauffage, et qu’on a beau avoir un automne clément, je n’avais pas rallumé la chaudière la veille au soir pour en finir avec la vie mais parce que ça caillait grave.
La colère tient chaud, mais à nos âges on fatigue vite.
___

(1) 70 kgs de fonte, même qu’on s’est bien pétés le Q avec Matt Brilland à le déplacer pour le repeindre.

(à suivre)

mardi 28 novembre 2017

Les supermarchés de l'hypertélie (2)

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, je n'ai pas inventé l'hypertélie dans un moment de délire hypomaniaque.
Nous avons vu dans l'épisode précédent que la Nature se prend parfois les pieds dans les lois qu'elle édicte, après tout elle aussi a droit à l'erreur, après quoi elle y est soumise jusqu'aux conséquences ultimes. Les mutations peu utiles eu égard à l'évolution et/ou la survie des espèces disparaissent et le jeu de la vie continue, l'important c'est de participer. L'homme ne fait que copier bêtement (il est issu de la Nature et ne saurait se soustraire à ses lois).
L'école de Palo Alto a modélisé cette tendance à résoudre un problème en appliquant "plus de la même chose" dans le cadre théorique de l'analyse des systèmes, et dans le cadre pratique de la psychothérapie. 
J'ai relu récemment "Changements", étudié en fac de Psycho avant Jésus-Christ, et pour ce que j'en avais retiré à l'époque il eut mieux valu que je joue à la belote, mais c'est assez savoureux en matières de paradoxe et d'analyse des phénomènes de résistance au changement.
Savoureux mais douloureux, parce que 50 ans après la publication de ces travaux, qu'en reste-t-il ? Des thérapeutes appliquent sans doute encore quelques recette astucieuses dans le silence wouaté de leurs cabinet.
Partout ailleurs, l'hypertélie continue sa sinistre besogne, transformant le jardin de roses en vallée des larmes tant qu'on n'a pas appris à faire autrement.
- chez mon voisin, qui a coupé la cime des arbres dans le petit bois derrière chez nous parce qu'ils faisaient de l'ombre à ses panneaux solaires. 
L'écologie sans compromis, sauf avec les industriels qui lui ont promis un retour sur investissement. Plusieurs fois par semaine, la pulpeuse Samira, ma partenaire ErDF à l'accent marocain, me propose encore une juteuse collaboration, malgré ma désinscription du fichier des emmerdés téléphoniques.


- chez nos amis les développeurs informatiques :
la célèbre extension de navigateur web Adblock Plus censée débarrasser les sites des publicités intrusives est non seulement torpillée par des hackers de plus en plus nombreux vu le nombre croissant de pop-us qui passent à travers, mais comme Safari (navigateur Apple) a développé son propre anti-pub, celui-ci se met à poser des questions dont je ne comprends même plus le sens tellement elles sont méta-.
Et je vous épargne la résolution d'un problème d’affichage lié à la carte NVIDIA GeForce GTX 660M 512 Mo embarquée dans mon iMac (27 pouces, fin 2012) avec MacOS High Sierra 10.13, dont je me contrefoutais à raison mais sans ostentation, jusqu’à ce qu’à l’impossibilité de sa mise à jour me ralentisse dans mes travaux de post-production dans le saloon d’hiver où j’ai installé ma station de travail (mon bureau était empli d’ondes maléfiques transmises par Ethernet en CPL, le courant porteur en ligne, dont les dangers ont été intelligemment rendus inintelligibles par les conspirationnistes anti-Linky, le compteur intelligent d’ErDF) et me contraigne à parcourir frénétiquement des forums hyper-secrets jusqu'à ce qu'un pakistanais hilare me fournisse la solution, au prix de bidouillages dans quelques lignes de code.





- et même chez Warsen quand il remet du charbon dans le gazogène à essence de son blog auto-addictif, manège en chantier qui se remet à tourner, de plus en plus vite, jusqu'à ce que la force centrifuge l'en éjecte une fois de plus alors que pour une fois, il trouvait ça drôle.




Ursula
- Tu dis que tu es maniaco-dépressif ? Ce n'est possible que de nos jours où c'est une soi-disant maladie à la mode. Dépressif ? Ben, quand on voit le sort des humains et autres sur cette planète il n'y a pas de quoi rigoler; alors où est le "problème"? Ben c'est juste l'idée que les choses devraient être autrement, une idée abstraite et globale. Un exemple : il y a une canette de bière par terre, et on se dit que vraiment il faudrait faire quelque chose contre toute cette pollution que nous générons, alors on va se sentir plutôt mal. Mais si on se dit "tiens, une canette, hop au recyclage", on ne se sent pas mal en la jetant dans la poubelle adéquate. 
Ah la la, je me sens bête de te dire des choses pareilles, je suis sûre que ta femme fait moins de blabla et plus de démo :-)))))

- De nombreux problèmes disparaissent à l'extinction de ceux qui prétendaient les percevoir.
Laisse ma femme en dehors de tout ça.

dimanche 26 novembre 2017

Dieu est un chargeur allume-cigares USB (1)

Depuis que ma chaudière a pris feu et que mon chauffe-eau m'a lâché, je crois en Dieu. Après une phrase comme ça, il faut s'épuiser en flashbacks ou partir en live.
De l’ordre et de la méthode : je vous propose de commencer par m'épuiser en flashbacks, puis de partir en live.
Tout a commencé par la révision annuelle de ma chaudière au fuel, courant mai, au cours de laquelle un technicien vacataire insuffisamment formé, dénutri et/ou confus du fait de son manque de pratique ancrée dans la vie quotidienne de méditation de pleine conscience MBSR (Mind Based Stress Reduction) à la suite du stage qu'il avait pourtant suivi pour faire redescendre un peu la pression, et pas que dans la chaudière des clients, a sans doute mal réglé l’arrivée d’air de la mienne.
Mais personne ne s’en est aperçu, ni le technicien qui a procédé aux tests habituels sans déceler d’anomalie, ni moi qui lui faisais confiance et qui ne possède en matière d’entretien de chaudière que des connaissances beaucoup plus modestes qu’en matière de chanteurs dépressifs et/ou morts. 
Et comme me le disait Ursula Mulinu lors d’une session de méditation de pleine conscience MBSR (Mind Based Stress Reduction), il ne faut pas confondre les pensées avec la réalité. 
La réalité du réglage incorrect de l’arrivée d’air de la chaudière s’est imposée à moi sans que j’aie besoin d’y penser la première nuit où je l’ai rallumée, fin septembre, et j’ai alourdi mon bilan carbone d’un seul coup : dans la nuit, un début d’incendie s’est déclaré dans le corps de chauffe, provoquant l’émanation d’un épais nuage de fumée chargée en particules très peu biodégradables, même sur le long terme.

Je n’ai rien vu, rien entendu. Je dormais du sommeil du Juste, largement immérité si vous voulez mon avis. Par contre, au réveil, le salon baignait dans un halo bleuté qui n’était pas sans évoquer les plus beaux clichés de David Hamilton (oui, ceux-là même qui lui auraient valu une condamnation à vie s’il avait débuté sa carrière aujourd’hui, et qu'on doit encore pouvoir s'échanger sous le manteau numérique) et j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de toiles d’araignées dans le salon, et surtout elles je ne pigeais pas pourquoi elles étaient d’un noir d’encre. Les satanées bestioles avaient toutes viré gothique dans la nuit ? WTF ?

Quand je suis descendu au garage, j’ai compris en un éclair ce que la vieille Ursula essayait de me dire avec ses pauvres mots. 
J’ai retiré le capot de cette bonne vieille Viesmann, et j’ai constaté que tous les éléments plastiques en façade avaient fondu. L’incendie ne s’était pas propagé, la chaudière s’était bloquée, dans un sursaut de conscience mécanique vraisemblablement acquis au cours d’un stage MBSR pour chaudières.
Les alarmes incendie achetées il y a deux ans suite à une campagne de terreur européenne relayée par les assureurs dormaient sur l'étagère de mon bureau. 
Ouf. Je n'aime pas être réveillé en sursaut par le cri strident d'une alarme, ça me stresse, au mépris des acquis MBSR que j'ai moi aussi acquis lors d'un stage de prévention de la rechute dépressive.

Un cri à l'étage ramena mon attention, alors pleinement et conscientiellement absorbée par l'expérience perceptuelle d'être en train de faire un selfie de la chaudière vraiment très hot bien qu'un peu refroidie parce que le sinistre datait de plusieurs heures, vers l'escalier.

(à suivre)

jeudi 23 novembre 2017

Les supermarchés de l'hypertélie

Lors de mon récent séjour énergivore à Orléans, puisque j'ai fait 700 kilomètres en voiture pour jouer le bouche-trou de fin de semaine dans le planning montage d'une station de télé régionale qui préfère embaucher des CDD à tire-larigot plutôt que de renouveler les postes des partants en retraite pour de sombres questions d'équilibre budgétaire devant la cour des comptes de l'audiovisuel public, deux choses m'ont frappé par leur imbécillité, imbécillité que je suspecte d'être tout à fait délibérée, et pour tout dire révélatrice d'un complot international visant à accélérer le dézingage en rêgle de tout ce qui pourrait être sauvé (la planète d'abord, et l'avenir de nos enfants ensuite).


1/ Tout d'abord, Leclerc, qui propose de recycler les prospectus dont il bourre nos boites aux lettres pour financer la recherche sur Alzheimer.
A noble cause, moyens habiles. 
J'avoue qu'en voyant l'affichette apposée sur la vitre de la porte à tambour du centre commercial, j'ai pouffé tant ça m'a paru grotesque.
Rappelons que ces prospectus publicitaires sont conçus par des agences de com', imprimés par des imprimeurs, distribués par des retraités aux pensions modestes qui se contrefoutent de l'autocollant "Stop Pub" cloué sur nos boites aux lettres, triés par nous dans des sacs jaunes et rapportés à la déchetterie, d'où ils repartent dans des filières de recyclage qui leur permettront de connaitre une seconde vie, souvent identique à la première.
Quand j'ai l'impression d'avoir un karma un peu difficile, je songe à celui des prospectus Leclerc.
Certes, ils font travailler beaucoup de monde, c'est important l'emploi, alors que leur teneur en nutriments informationnels est souvent médiocre, sauf à être un aficionado de la côte de veau aux morilles et de guetter avidement le passage du retraité distributeur de prospectus (prospectogène ?), promesse de promotion sur ce produit dont nous sommes si friands.
D'ailleurs Leclerc avoue à demi-mot sa nocivité environnementale en baptisant l'opération "prospectus utiles", oxymore qui sous-entend bien que dans la plupart des cas, ils sont loin de l'être. 
Cher Michel-Edouard, si tu me lis, ne crois tu pas qu'il serait peut-être plus simple de cesser de les produire et d'emmerder le monde avec les nuisances qu'ils génèrent, plutôt que de te la péter avec des opérations de com' en instrumentalisant des maladies qui ne font rire personne ? Tu filerais directement quelques milliers d'euros à la recherche sur Alzheimer, et le tonnage d'ordures à recycler baisserait un petit peu, ça serait double bénéfice pour la société humaine dans sa globalité. 
Seulement, voilà, ce volume de déchets est désormais un flux de matières entrantes pour l'industrie du recyclage qui vise à faire de nos déchets une ressource, et tout un petit peuple entrepreneurial compte dessus pour faire tourner sa boutique.


2/ Dans un canard local, je tombe sur une pleine page de pub sur le Gaz éolien, un concept pour le moins fumeux.
La campagne de promotion joue l’ambiguïté. 
Est-ce que ça fonctionne ? 
Est-ce que ça ne serait pas un peu énergivore, cette conversion d'une énergie en une autre à des fins de stockage ? 
Après tout, pourquoi pas, n'interdisons pas aux ingénieurs d'être ingénieux, on sait tous qu'on va se trouver grave dans la merde sur le plan énergétique d'ici pas longtemps; en tout cas, ça me trotte dans la tête, et en vrai journaliste d'investigation, de retour chez moi je me rue sur le dossier de presse :
"Les éoliennes et les panneaux photovoltaïques ne produisent pas de l’énergie de manière constante, mais en fonction de facteurs naturels que sont le vent et le soleil. Dès lors, il faut pouvoir stocker les excédents pour les acheminer aux consommateurs quand la demande excède l’offre. C’est la solution développée par le Power to Gas, un procédé innovant actuellement en phase d’expérimentation, qui permet de transformer et de stocker sous forme de gaz dans les réseaux gaziers des volumes importants d’électricité d’origine renouvelable non utilisés." 
Ok. 
Donc pour l'instant, c'est de la SF, et il n'y a qu'à moi à qui ça fait un effet douteux, comme de voyager en Absurdie.
Ah tiens, non, je tombe sur un article de 2011 
qui n'a pas l'air trop fantaisiste, et qui dit pis que pendre de cette techno actuellement en phase d’expérimentation.

Ca fait quand même deux cas flagrants d'hypertélie humaine (de « huper » : excès, et « telos » : fin) 
C'est quoi ça l'hypertélie ?
→ Dans la nature, c'est le éveloppement exagéré de certains organes, rendant ceux-ci encombrants, voire franchement nuisibles (défenses de mammouth, bois de certains cervidés, mandibules de lucanes mâles). 
L'hypertélie est une forme malheureuse de surévolution : quand les corrections de la nature dépassent ses fins, ses remèdes sont pires que les maux qu'ils combattent, et certains organismes, surévolués, en deviennent incapables de survivre.
Cherchez pas le wiki, je viens de bricoler cette définition à partir de différentes sources hyper-secrêtes.



Y'a donc pas que la Nature qui se trompe parfois :

Leclerc et GrtGaz font de l'hypertélie pour faire tourner la machine industrielle à plein rendement, et qu'importe si au final les quantités d'énergie dépensées sont supérieures à la valeur produite.
Faut qu'ça tourne.



Il arrive que cette hypertélie produise des effets plus ou moins cocasses quand elle s'empare de la gestion des ressources humaines.

Mais franchement, au final, y'aura pas tellement de quoi rire.



Happy end alternative :
les prospectus Leclerc peuvent servir de protection
lors du nettoyage rituel des morilles.

dimanche 19 novembre 2017

Le blog de Voutch

Avant de publier le worst-of de ma correspondance hyper-secrête avec Ian Alexander pour me faire un max de pèze comme Christophe Allain pendant que vous perdez votre temps à distinguer ce qui, dans leur dialogue, relève de confortables contre-vérités des arguments tendant à démontrer l'émergence d'une véritable libération de la parole erronée, je vous signale que Voutch, qui est l'auteur phare de mon blog selon Google Stats, tient un blog sur Le Monde.
Voutch, comme Xavier Gorce, est assez intemporel, bien qu'ils décrivent tous deux les travers de nos contemporains, travers qui sont aussi les nôtres.

Flûte, je me mets à parler comme un journaliste de télévision régionale. Faut dire que la télévision régionale est devenu un de mes employeurs principaux depuis que j'ai quitté les boites de prod parisiennes, la cocaïne et les filles faciles à l'arrière des berlines en 1996, et que je viens de comprendre assez tardivement, après 20 ans de CDD épisodiques dans une certaine station de télévision régionale dont je tairai le nom mais c'est pas dur à trouver en relisant mon blog, que si je voulais avoir une chance de m'y faire intégrer afin d'augmenter la modicité relative de mes cotisations retraite, il me fallait prendre mon bâton de pèlerin et faire des missions à droite à gauche, dans d'autres stations de télévision régionale, parce que l'ambiance est à favoriser la mobilité interne et pas du tout à l'intégration de vieux briscards issus du privé même s'ils ont plus d'un tour numérique dans leur sac et des compétences transdisciplinaires que le monde entier leur envie sauf les stations de télévision régionale, et c'est comme ça que y'a 15 jours j'ai couru passer trois jours à Bourges et que pas plus tard qu'hier soir, après mes 50 heures hebdomadaires au bureau auquel je passe bien trop de temps pour avoir une chance d'être intégré dans une station de télévision régionale parce que le patronat s'auto-séquestre au bureau qui jouxte celui de l'unique salarié, j'ai bondi dans mon véhicule à combustible fossile pour rejoindre nuitamment Orléans où m'attendait un chouette week-end d'information de proximité.

Et c'est comme ça aussi, car tout est lié, que ce midi je me suis retrouvé à errer dans la librairie du Leclerc pompeusement rebaptisée espace culturel pour niquer la Fnac, parce que j'avais hésité à manger un kebab devant la tronche carrément patibulaire mais presque des clients assis à la devanture d'un établissement qui avait l'air tout sauf d'être honorable à Charia-Land, car c'est ainsi que les salariés CDI de la station de télévision régionale de Bourges désignent affectueusement les lointains autochtones dont les humbles masures HLM entourent et pour tout dire assiègent la station de télévision régionale d'Orléans, distante d'une bonne centaine de kilomètres, parce que c'est pas des gens comme eux, et que si on ne peut vivre ad vitam aeternam dans le déni on peut quand même dénigrer un peu sinon à quoi bon vivre, et que c'est vrai que dès qu'on sort de la station de Bourges on se retrouve à marcher dans du patrimoine médiéval préservé et restauré, alors que quand on sort de la station d'Orléans c'est vrai d'abord qu'elle est un peu excentrée par rapport à la ville qui a été libérée par la "Pucelle d'Orléans" mais en fait elle n'a été affublée de ce sobriquet qu'à partir du XVIème siècle et elle était née à Domrémy, et que les urbanistes se sont lâchés grave dans cette zône suburbaine déshéritée des dieux sauf d'Allah qui est arrivé un peu tard pour jouer au Grand Architecte de la ZUP, mais de là à l'appeler Charia-Land, quand même c'est un peu abusé, n'empêche que j'ai pas osé entrer dans le kebab parce que j'aurais eu l'impression d'être le seul nêgre au milieu de tous ces arabes, et pourtant une bonne assiette de kebab avec des tomates, de la salade et du boulghour, d'habitude je crache pas dessus quand j'ai l'occasion.

Flûte, je me mets à parler comme un journaliste de télévision régionale bourré. 
On va la refaire.

Voutch, dont j'ai trouvé un recueil des dessins tirés de son blog dans la librairie spatiale culturelle du Leclerc, a le chic pour exprimer son désespoir structurel devant l'inanité des aspirations humaines en nous soutirant un pauvre sourire au passage, tandis que Xavier Gorce, lui, publie très peu de livres mais son blurg sur le Monde est inoxydable, et il annonce avec une imperturbable régularité et il faut le souligner une certaine jubilation, notre disparition en tant qu'espèce condamnée par la férocité de ses appétits à s'auto-dévorer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien ni personne à bouffer.

Et ils le font en trois petits dessins, ce qui est le comble de l'élégance, contrairement au flic de Sarcelles qui a tué trois personnes ce matin avant de retourner son arme de service contre lui-même, ou à Kim Stanley Robinson qui ne pond aucun bouquin en dessous du demi-million de mots.
Et puis, heureusement que Voutch est là pour donner la parole à ceux et celles qu'on entend très peu - voire même pas du tout - dans les médias.
Comme les cafards, les poissons, les vers annulaires et les dalles de terrasse.
Contrairement à Marine Le Pen, qui est passée hier à Romorantin, et bien sûr on s'en est fait l'écho dans la station de télévision régionale d'Orléans parce qu'on a une mission de service public, et que Marine a quand même acquis une certaine légitimité, même si elle s'est auto-suicidée politiquement lors du débat entre les deux tours, et qu'on peut donc faire des reportages d'une neutralité bienveillante sur cette femme qui n'a jamais été harcelée sexuellement puisqu'elle a fait à la féminité ce que les Nazis ont fait à la Pologne, brisant ainsi le miroir qu'elle tendait à nos voiles émotionnels les plus proches du double rideau (à la fois sur le plan de la teinte, entre rose saumon et vert-de-gris, que de l'épaisseur, celle du mur du bunker d'Adolf)
Même le Pharisien libéré a titré son édition locale de manière un peu plus corrosive que la journaliste de télévision régionale avec laquelle j'ai commis le reportage ô combien consensuel, qui s'adressait sans doute à la ménagère de plus de 70 ans.

Ah, ça fera bien rigoler les historiens de l'an 3000, bien qu'à ce rythme de dégradation de notre biotope, où la productivité de la destroyitude a pris le mors aux dents, y'aura pas plus d'historiens que d'an 3000, parce que les cafards ne savent pas compter jusqu'à 3000, sauf chez Voutch et Xavier Gorce.

Merde, je voulais que mon texte s'arrête en même temps que l'image de gauche, j'ai un peu débordé.
On va la refaire.