mercredi 17 janvier 2018

Le dernier San Pellegrino (4)

Le premier disque de San Pellegrino
résumé de l'épisode 1 :
(les pizods 2 et 3 sont des rumeurs infondées échappées d'un esprit malade)
Stéphane Sansévérino, alias Sanseverino, a.k.a San Pellegrino, avait fait des débuts prometteurs au music-hall, avec des chansons qui manifestaient dans le calme et la dignité le traitement enjoué et novateur de thèmes inattendus, tout en envoyant un message fort au gouvernement, je songe par exemple à ces vers assassins : 

" Est-ce que tu crois qu'il est facile / de s'occuper de sa famille?
Trouver à fifils un logement / un emploi au gouvernement
On n'a pas l'temps d's'occuper d'ça / quand on s'endort sur les bancs du Sénat."
(pas plus de trois vers, sinon bonjour les deux gars, car on se met à voir Affleflou) 

2.

Pour son premier opus sous son nom d'emprunt, puisqu'il jouait auparavant au sein d'un groupe intitulé les Voleurs de Poules et qu'il voulait éviter les mises en examen, l'audiophile amateur de chanson française était à la fête, et San Pellegrino reçut le prix de l'académie Charles Croc, et ça pour un voleur de poules qui n'auront jamais de dents, c'est cadeau.
Dans l'enthousiasme généralisé tant son énergie était communicative, on s'était surpris à imaginer ses positions d'accords manouche hyper-secrets sur le manche de sa guitare nucléaire, à révasser qu'on allait reprendre soi-même l'instrument et se lancer dans des covers délirantes de "Frida", "les films de guerre", "les embouteillages"... et San Pe avait le chic pour faire des reprises inespérées et surprenantes issues du patrimoine francophone, de François Béranger, Reggiani, Thiéfaine... mais dès le second album, on avait dû déchanter. 
Plein de disques de San Pellegrino
que j'ai trouvés pas terribles

Un peu comme avec Matrix : le 2 faisait regretter le 1, et le 3 faisait regretter le 2.
Pour San Pellegrino, j'ai pas compté, mais depuis quinze ans qu'il écume les studios et les salles de spectacle, on en est rendu à beaucoup des ralboms, live et studio, et là encore, le dernier rendate, non, désolé, c'est encore de la flotte, et pleine de bulles pour faire diversion blindée.
Comme à chacune de nos brèves retrouvailles, je ne m'attendais à rien, et je suis quand même déçu.

Bien sûr, nous avons droit à une ode sympa aux fesses de sa copine, au récit laborieux mais speedé de son non-départ au Québec pour aider les victimes de l'ouragan Katrina, sur un fond entrainant de musique cajun vraiment réussi, car le bonhomme a toujours le chic pour s'entourer des meilleurs musicos de la place, une reprise folkeuse et farfelue du "Mesrine" de Trust, mais quasiment pas l'ombre d'une vraie chanson qu'on commence à voir.


La vérité avant-dernière.

Ah ça, pour envoyer des rafales de phrases en mode kalachnikov sur l'air du temps qui n'est plus ce qu'il était, il est là. Il se la pête (c'est d'ailleurs le titre d'une de ses chansons) encore plus que moi, et il n'en fait pas mystère, mais si s'affranchir de ses défauts en s'en réclamant, ça peut marcher un temps sur un blog hyper-secret, mais sur un 33 Tours microsillon, ça le fait moyen, je trouve, surtout quand il l'a déjà fait sur l'antépénultième, et l'anté-antépénultième,et puis celui d'avant...

Quand il suscite enfin l'émotion vraie, c'est en fin de parcours de son dernier 33 Tours microsillon, en réhabilitant la mémoire télévisuelle du jeune téléspectateur que nous fûmes trop longtemps, par stimulation de sa mémoire musicale : dès les premières mesures, on sent la bébête qui monte... c'était quoi ce truc ? 
Aah oui, c'était ça.
mais il est bien tard, les invités sont repartis et la fête, elle est comme le disque de San Pellegrino, elle est finie.
Et ce n'est jamais que de l'incontinence émotionnelle de jeune téléspectateur qui l'est resté trop longtemps.
Du coup, on s'intéresse un peu à la version originale, on découvre qu'il y avait un second couplet, occulté dans la version "générique de Chéri-bibi" et que San Pellegrino n'a pas choisi de réhabiliter dans sa reprise.



Et cette intrigante Marianne Mille, sortie de nulle part pour y retourner au plus vite, qui avait trouvé son Pygmalion, son Serge Prisset, que lui est-il arrivé pour qu'on n'en ait aucun souvenir, et surtout pour que "après un dernier spectacle acoustique au Théâtre de Dix Heures" en 98, elle se retire de la vie publique pour vivre dans un ashram" ?
De manière générale, il faut se méfier des gens qui font des expériences hors des chemins balisés par les maitres, en s'envoyant de la kundalini dans les chakras comme si la vodka c'était de la flotte, ils pètent les plombs et après, leurs disques y sont beaucoup moins réussis que quand ils ont dû bosser pour arriver au top.

Tous ces chanteurs vénérés pour leur gloire et leur saveur d'antan, qui semblent vidés de leur substance par des aliens qui auraient vu l'Invasion des profanateurs de sépultures, Fersen, San Pellegrino, Higelin, Arno, est-ce que ça ne serait pas un complot Hadopi pour nous faire racheter des vieux disques qu'on ne trouve plus sur internet ?

Il parait que sur scène, San Pellegrino il enterre Higelin et Halliday, ses glorieux ancêtres.
Pour Halliday, c’est de saison, mais quand même, c’est pas très sympa pour Higelin.
Et la volubilité, la fluidité langagière de San Pe flirtent souvent avec la duplicité du baratin du bonimenteur prompt à vous refourguer du linge de maison que vous avez déjà au marché d'été de Perros-Guirec, et entretient des rapports tantôt distants tantôt connivents avec la mythomanie.
Dans "la ballade du mois d'aout 75", une vieille chanson qui ne nous rajeunit pas de Charlélie Couture qui ne rajeunit pas non plus, autre chanteur vidé de sa substance par les aliens après l'acmé de "Poemes Rock" sorti en 81, à un moment il éructe comme s'il était possédé du démon du Toast, "mais y'à guère qu'un (...) seul conteur pour cent mille baratineurs" sans se douter qu'en se vantant de faire partie des premiers il vient de basculer dans les seconds. 
Alors on peut se lamenter sans fin sur la perte de substance dans la carrière discographique de San Pellegrino, sangloter secrètement sur la gloire passée de Marianne Mille, puis se finir à la main sur Charlélie Couture racontant la genèse de "La ballade du mois d'août 75", parangon de toutes les nostalgies offert gracieusement par le Figaro Tv.

Le tout est de rester dans les clous pour ne pas se faire happer par le tramway nommé désir quand il nous passe sous le nez, bourré de jeunes qui n'en veulent.
Au fond, San Pellegrino, avec sa musique à l'huile mais ses textes à l'eau, il nous fout face à nos responsabilités, en nous posant la seule question métaphysique qui vaille, et que l'Univers ne cesse de nous chuchoter à chaque seconde :
- Qu'est ce que je prends ?
et sa corollaire :
- Qu'est-ce que je donne ?  

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